2EME PARTIE : IMPUTATIONS PRIVATIVES LIEES AUX CIRCONSTANCES
Mutation - pré-état daté ; certificat de l’article 20-II ; état daté -
S’agissant des mutations, 3 prestations sont facturées par le syndic. Dans l’ordre chronologique dans lequel elles sont effectuées, il s’agit :
- De l’établissement du « pré-état daté » ;
- De l’établissement du certificat de l’article 20-II ;
- De l’établissement de l’état daté.
Pré-état daté
Le terme « pré-état daté » n’existe pas et a été inventé de toutes pièces. Mais il s’est généralisé depuis la promulgation de la loi ALUR, et tout le monde le connaît aujourd’hui sous cette appellation, qui est donc utilisée ici.
De quoi s’agit-il ?
Avant de répondre à cette question, disons sans attendre qu’il n’a strictement rien à voir avec l’état daté.
Le pré-état daté a pour fonction « d’informer l’acquéreur de la situation financière de l’immeuble, des charges qui lui incomberont périodiquement, des travaux à venir et des procédures en cours ».
L’état daté quant à lui, a pour fonction de « garantir le syndicat des copropriétaires dans ses droits, en lui assurant le paiement des charges dues par le vendeur au plus tard le jour de la vente, c’est-à-dire le jour de la signature de l’acte authentique d’achat qui marque le transfert de la propriété ».
C’est ainsi que l’on constate que les termes - pré-état daté et état daté -, très proches l’un de l’autre, participent grandement à la confusion et à la « croyance populaire » que le public a du pré-état daté.
Sa présentation fait courir le délai de rétractation de l’acquéreur, d’une durée de 10 jours.
Soit il est présenté le jour de la signature du compromis ou de la promesse de vente, et le délai court du lendemain de la signature ;
Soit il est envoyé en LRAR à l’acquéreur postérieurement à cette signature, et le délai court du lendemain de la notification.
D’aucuns assurent qu’il n’est pas obligatoire. Non, il ne l’est pas au sens strict du terme. Mais quel vendeur prendrait le risque d’une rétractation des jours, voire des semaines après la signature du compromis ou de la promesse ?
Qui doit l’établir ?
Le vendeur ! C’est à lui qu’incombe cette « obligation » ; à nul autre. Donc ni au syndic, ni à l’agent immobilier, ni à quelque tiers que l’on pourrait imaginer.
Mais s’il est simple d’écrire ceci, il l’est moins d’établir ce document. C’est pourquoi la quasi-totalité des vendeurs demandent sa réalisation à leur syndic.
Il faut rappeler que le pré-état daté est défini par l’article L.721-2 du CCH ; il ne l’est ni par la loi 65-557, ni par son décret d’application qui font état des missions du syndic. Il n’apparaît donc pas dans les missions contractuelles du syndic listées par son mandat.
Ce n’est tout simplement pas une mission de syndic, mais une prestation réalisée par un prestataire qui en a la capacité et les moyens ; et ce tiers compétent, peut se trouver en ligne, ou proposer ce service, selon une facturation précise.
Tout cela explique la liberté des prix à son sujet, et les tarifs qui peuvent être jugés prohibitifs, à tort ou à raison.
Il ne s’agit donc pas, vous l’avez compris, d’une « prestation du syndic imputée privativement », mais d’une « prestation commerciale, facturée par l’entité commerciale, qui peut par ailleurs être syndic de la copropriété ». Cela ne passe donc pas en « comptabilité de la copropriété », mais en « comptabilité générale de la société commerciale ».
Certificat de l’article 20-II
Cette fois, il s’agit bien d’une mission du syndic et de nul autre, s’agissant de défendre les intérêts du syndicat des copropriétaires.
Le syndic est même soumis à un délai d’un mois suivant la notification du nom des acquéreurs par le notaire pour lui fournir ce certificat.
Pourquoi ce nom : certificat de l’article 20-II ?
Parce qu’il est défini par l’alinéa II de l’article 20 de la loi 65-557, créé par la loi ALUR du 24 mars 2014.
De quoi s’agit-il ?
Il s’agit de garantir le syndicat des copropriétaires du fait que l’acquéreur n’est pas déjà copropriétaire par ailleurs au sein de l’immeuble ou, s’il l’est, qu’il n’est pas sous le coup d’une mise en demeure de payer ses charges de plus de 45 jours, restée infructueuse.
En résumé, il s’agit de limiter le risque de faire subir une situation financière alarmante au syndicat des copropriétaires.
A défaut de la présentation de ce certificat, ou plus exactement si le syndic se trouve dans l’incapacité de le fournir, justement parce que l’acquéreur est débiteur dans les conditions décrites ci-dessus, le notaire notifiera aux parties l’impossibilité de conclure la vente.
Ce certificat de l’article 20-II est donc facturable par le syndic. Il doit apparaître comme tel dans son contrat, dans le « chapitre 9. Frais et honoraires imputables aux seuls copropriétaires », « sous-chapitre 9.2. Frais et honoraires liés aux mutations ».
Etat daté
Il a déjà été expliqué ce qu’est l’état daté.
Un décret de 2020 a plafonné sa facturation à 380 € TTC, avec prise d’effet le 1er juin 2020. A l’instar du certificat de l’article 20-II, la somme en question est fixée contractuellement, « sous-chapitre 9.2. Frais et honoraires liés aux mutations ».
Imputations contractuelles
Fourniture de documents
Le décret 2019-502 a défini les pièces que le syndic a l’obligation de mettre à la disposition de l’ensemble des copropriétaires - article 1 -, de chacun d’eux individuellement pour ce qui les concerne personnellement - article 2 -, et du conseil syndical - article 3 -.
En conséquence, dès lors que ces documents sont mis à la disposition de chacun pour répondre à leurs besoins, il n’y a plus lieu de fournir des éléments papier. Si un copropriétaire l’exige malgré tout, il est bien légitime de le lui facturer, le syndic n’ayant pas vocation à produire de l’impression outrancière.
Convocation d’AG à des fins personnelles
Il s’agit ici d’une mesure définie par l’ordonnance du 30 octobre 2019, ayant engendré l’article 17.1 AA de la loi 65-557, dont l’application a été fixée par le décret 2020-834 qui a créé l’article 8.1 du décret 67-223.
En synthèse, tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires est en droit d’exiger la convocation d’une assemblée générale pour des intérêts qui leur sont propres.
Auparavant, ils pouvaient effectuer cette même demande, mais le syndic n’était soumis à aucune contrainte, ni en délai, ni en convocation s’il jugeait qu’il pouvait attendre l’assemblée générale annuelle.
Cette nouvelle contrainte a créé le « sous-chapitre 9.4 du contrat de syndic. Préparation, convocation et tenue d'une assemblée générale à la demande d'un ou plusieurs copropriétaires, pour des questions concernant leurs droits ou obligations ».
Le syndic dispose de 15 jours après notification de cette demande pour chiffrer le coût de l’assemblée générale et définir la répartition de cette dépense entre les demandeurs ; puis de 45 jours après paiement de la somme en question pour tenir cette assemblée générale.
Imputations liées au comportement
Recouvrement
La loi SRU de 2000 a créé l’article 10.1 de la loi 65-557, remanié à plusieurs reprises depuis, qui définit les « frais imputables au seul copropriétaire concerné ».
En matière de recouvrement, il s’agit des « frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur ».
Ces frais sont donc facturables à compter de la mise en demeure et sous condition qu’ils soient nécessaires.
C’est pourquoi toute dépense liée au recouvrement qui serait qualifiée d’abusive par un tribunal en cas de procédure contentieuse pourrait être rejetée car non nécessaire.
Clause d’aggravation des charges
Il est dit et écrit de nombreuses choses à son sujet : elle serait illégale ; elle ne serait pas applicable ; …
Tout cela est un peu vrai, mais pour simplifier, disons qu’elle est superfétatoire.
Effectivement, que dit cette clause ? Que tout copropriétaire qui viendrait, par son comportement, occasionner des frais supplémentaires à la copropriété, se les verrait imputer.
Or il ne s’agit ni plus ni moins que de juger qu’un copropriétaire a occasionné des frais. Juger, c’est sanctionner à la hauteur du jugement s’agissant de cette imputation ; c’est donc rendre la justice en conséquence.
Or nul n’est en droit de se rendre justice ; seul le juge dispose de ce droit, dans le cadre d’une procédure contentieuse.
Dans les faits, si un copropriétaire crée une dépense à la copropriété par son fait, son comportement ou ses actes, le syndic peut toujours lui demander le financement de la dépense qui en découle.
Soit il paie la prestation, en assumant ses responsabilités et tout ira bien ;
Soit il ne la paie pas, et dans ces conditions le syndic n’aura d’autre choix que saisir le tribunal judiciaire qui exigera ce financement.
Elle est donc bien superfétatoire au sens où, qu’elle soit évoquée ou non par le règlement de copropriété, le copropriétaire devra répondre de sa responsabilité.
La charge du syndic réside essentiellement dans la production de la preuve, rien d’autre.
Impossibilité d’imputer une consommation privative
Ce qui vient d’être décrit pour la clause d’aggravation des charges vaut pour cette impossibilité d’imputation. Le rôle du syndic consiste à tout mettre en œuvre pour recouvrer les sommes dues, telles qu’elles sont définies par le règlement de copropriété et les décisions d’assemblées générales.
Ainsi, dès lors que l’assemblée a décidé que le chauffage ou l’eau froide serait individualisé - par exemple -, et qu’un copropriétaire ne le permet pas pour ce qui le concerne, à charge du syndic de tout mettre en œuvre pour rendre cette imputation privative possible. La méthode évidemment la plus efficace et persuasive consiste à appliquer un forfait, décidé en assemblée générale.
Imputations suite à intervention
Ce sujet est sensible. Effectivement, il est fréquent qu’une dépense soit imputée à un copropriétaire « parce qu’il est considéré que l’intervention réalisée le concerne personnellement ou privativement ».
Il faut ici se souvenir que le code civil est très clair : il définit le maître d’ouvrage comme étant « celui pour qui l’intervention est réalisée ». Elle est réalisée pour lui « parce qu’il en a fait la demande et a accepté le prix proposé par le prestataire ».
Dès lors, il n’existe aucune ambiguïté sur le fait que celui qui se voit imputer la facturation est celui qui a demandé l’intervention.
Par voie de conséquence, pour imputer privativement une facture, le préalable indispensable est d’obtenir l’accord du propriétaire concerné, quand bien même l’intervention ne concernerait-elle finalement qu’un élément totalement privatif - je devrais même dire surtout si l’intervention concerne finalement un élément totalement privatif -.
Le meilleur exemple que nous connaissons tous de cette situation est le suivant :
- Un dégât des eaux est constaté ;
- Sans autres investigations ni démarches, le syndic envoie le plombier sur place ;
- Le plombier constate un désordre sur un siphon de baignoire, un robinet de machine à laver, ou tout autre élément privatif ;
- Le plombier établit la facture au syndic qui l’a mandaté, pour le compte du syndicat des copropriétaires ;
Son rapport précise clairement la cause totalement privative ;
- Le syndic impute privativement la facture au copropriétaire concerné.
ERREUR de sa part : le syndic ne dispose pas de ce droit. Avant de mandater le plombier, il aurait dû s’assurer de l’accord du propriétaire concerné à « prendre à sa charge cette dépense s’il était constaté que la cause était privative ».
Le propriétaire a alors 2 options :
- Il accepte formellement, permettant au syndic de lui imputer la facture privativement, accord à l’appui ;
- Il refuse et effectue la recherche par lui-même, ou en mandatant le professionnel de son choix.
S’il refuse et qu’il ne procède pas à la recherche, alors le syndic dispose du pouvoir - et a même l’obligation - de mettre ce propriétaire indélicat en demeure d’agir, y compris par voie de référé si nécessaire.
© Copyright – tous droits réservés